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PATRIMOINE ETHNOGRAPHIQUE

Pratiques artisanals

Vendémiaire

Les vendange d'autrefois étaient une véritable fête. Certes, le travail de coupe pour les femmes et de charroi pour les hommes était pénible, surtout par les chaudes journées de septembre, mais il se faisait dans la joie ! Dans les vignes envahies par les "colles" de vendangeurs, ce n'étaient que chants, cris, interpellations ou conversations à plusieurs, sur les sujets d'actualité, sérieux ou indiscrets, chaque jour renovelés, toujours inépuisables. Ce travail saisonnier donnait l'occasion à un groupe de gens, jeunes et moins jeunes, de se retrouver d'une année à l'autre et de créer ainsi des liens d'amitié qui résistaient à l'usure du temps. Beaucoup d'entre nous se souviennent de ces vendanges d'autrefois comme un épisode heureux de leur vie.

Au village, tous les soirs, cette jeunesse laborieuse se retrouvait pour la promenade ou la danse et, dans chaque "collé", le jour de la clôture était fêté par une collation ou un repas fraternels.

Aujourd'hui, les colles sont rares et progressivement, leur joyeux ébats seront replacés par le ronflement soyeux et continu des machines à vendanger qui permettent à trois hommes seulement de rentrer rapidement une grosse récolte.

Dure rançon du progrès !
1 - Isabelle Masdeville 2 - Un ouvrier 3 - Marie Santa 4 - Guy Carbonel
5 - Elisabeth Clément 6 - Ginette Goxes 7 - Manou Santa 8 - Marie Rose Fabre


La "colle" : La colle était un groupe structuré. Deux anciennes, les 1ère et 2èmes "mousseignes" encadraient le groupe de 6 jeunes coupeuses. Celles-ci, qui travaillaient manuellement à cette seule occasion, éprouvaient parfois des difficultés pour suivre. Mais les porteurs étraient là pour les aider ! Avec des "pals sémaillès", ceux-ci charriaient à deux les comportes "quitchées" par un jeune débutant qui relevait aussi les seaux pleins. Dans les moments de répit, les porteurs aidaient galamment les retardataires, non sans certaines compensations. Et quand une coupeuse oubliait un beau raisin, elle se faisait "capuner". Cette opération, qui consiste à écraser le raisin sur la figure de l'étourdie, donnait naissance à une effervescence subite ponctuée de criailleries !


Le chargement : Les comportes pleines étaient chargées sur la charette, pourvue à cet effet, de chaque côté, d'un cadre de fer qui élargissait le tablier afin d'en placer deux de front. Le chargement était simple avec une douzaine de comportes et parfois, quand le trajet était trop long, on chargeait 6 ou 8 comportes au 2ème rang. Les jeunes gens avaient ainsi l'occasion de monter leur force et leur savoir-faire, surtout aux yeux des filles, souvent admiratives. En général, le repas de midi se déroulait à la vigne, chacun apportant sa "saquette". Et le long moment de repos, avant la reprise, était consacré à la sièste... ou à compter fleurette !

Le charroi : Le transport de la vendange jusqu'à la cave particulière se faisait par charettes, en majorité tirées par un seul cheval. Il fallait bien arrimer les comportes entre elles et , dans les descentes, le charretier, placé à l'arrière, appuyait sur la "mécanique" (le frein) pour soulager la bête. Les charrettes chargées sur 2 rangs étaient tirées par 2 chevaux et faisaient l'admiration des enfants dans la traversée du village. Enfin un mode de transport très gruissanais était utilisé par les vignerons-pêcheurs : le bétou. Il n'était pas rare de voir un bétou avec ses 2 comportes traverser l'étang, de Capoulage au village, jusqu'à l'entrée de la remise où le foudre attendait sa pitance

Les moustiques : Tout aurait été parfait sans les moustiques ! Ils étaient là _ hélas ! _ et infligeaient parfois à nos travailleurs une douloureuse épreuve. Le secteur du "maritime", plus humide, était le plus touché. Là, les vendangeuses, véritables cosmonautes, portaient une triple épaisseur de pantalons et protégeaient leur tête avec un large chapeau de paille recouvert d'un voile retombant et leurs mains avec des mitaines ! Pour elles, les vendanges étaient un supplice !

Le raisin de Chypre du domaine de Saint Obre

Madame Mélanie Ebri-Camp nous a raconté une jolie anecdote vigneronne.

Le raisin de Chypre est un plan spécial qui pousse sur le terroir de St Obre, dans la Clape. La tradition de son histoire se transmet à travers les générations de notre famille.

Un de mes ancêtres, Joseph Azibert, qui était aussi l'ancêtre de Julien Iché, l'auteur bien connu de l'histoire de Gruissan, ramena ce plant d'un de ses lointains voyages et le planta dans ses vignes. Etait-ce le vrai nom de ce raisin? A St Obre on l'a toujours appelé ainsi. Sa terre d'élection ne doit pas être trop grasse, aussi s'est-il bien adapté au sol du domaine.

Son grain rose, rond, ferme est très sucré et sirupeux avec un arôme très particulier de fraise des bois. Son vin est une vrai liqueur que le temps bonifie encore. Mais, il est vulnérable. Les abeilles, le petit gibier, les sangliers de la Clape le reconnaissent entre tous et ils en sont friands.

Joseph Azibert, sur son brick l'Augustine-Elisa voyageait en méditerranée orientale et en mer Noire. Les archives de Londres nous disent qu'en 1859 il sauva l'équipage d'un cargo anglais aux environs de Malte. Un jour, il jeta l'ancre à Chypre, et nous ramena ce raisin que, depuis plus de 130 ans, notre famille cultive avec amour .

Les conditions souvent pénibles, toujours joyeuses, dans lesquelles se déroulait la cueillette du raisin à Gruissan. Harassés par la chaleur, souvent torturés par les moustiques, les vendangeuses et vendangeurs gruissanais avaient bien du mérite pour dépouiller les ceps de leur récolte, dans les plaines humides du "maritime" ou les "faïsses" de la Clape. Mais la récolte était là, source de richesse, et il fallait la "rentrer". Aussi les joyeuses "colhes" partaient-elles tôt le matin à l'assaut des vignes pour rentrer cette précieuse manne qui assurait la subsistance de plusieurs familles de viticulteurs.

Les vendanges

Elles sont la consécration du travail du vigneron car elles récompensent tout le labeur de l'année. Elles duraient et elles durent encore de 2 à 4 semaines, selon l'importance des l'exploitations. Mais ce travail saisonnier est en train de faire sa mutation lui aussi, avec les modifications importantes introduites depuis une décade environ dans la structure de nos vignes. Aussi, avant qu'il ne soit trop tard, nous tenons à faire quelques rappels du passé, en prenant quelques exemples où beaucoup de nos anciens se reconnaîtront !

Au Bouïs opérait la "colhe" la plus convoitée. Il fallait prendre rang longtemps à l'avance pour en faire partie. Elle était composée essentiellement de jeunes, vaillants et bruyants, qui ne rechignaient pas devant l'éffort mais savaient prendre un bout de temps pour respecter les traditions du "capounage" ... et autres ...

Au maritime, la cueillette était journellement perturbée par les moustiques et parfois abandonnée à cause des inondations.

A Capoulade, la récolte de ces vignes de coteaux était transportée au village, en cave particulière, par des attelages de plusieurs chevaux qui faisaient l'admiration des badeauds.

Ce travail se faisait "à l'ancienne" : comportes de bois pressées, chariées par 2 porteurs avec les pals, puis vidées en cave dans les grands foudres.


Les vendanges aujourd'hui

Nous vivons en ce moment la période de transition. Les vendanges familiales se font en petit comité. Certes, les coupeuses ont abandonné la faucille pour le sécateur, les comportes sont en plastique et leur charroi dans la vigne se fait avec la brouette, sorte d'engin bien conçu permettant à 1 homme seul d'effectuer le travail de deux.

Dans les exploitations moyennes, la hotte en plastique est utilisée par de jeunes porteurs qui vide le contenu dans des bennes tractées. Ce mode de transport rapide évite toute interruption du travail.

Mais déjà apparaissent dans notre océan de vignes les monstres gloutons, machines à vendanger plus ou moins puissantes qui permettent à 3 hommes seulement d'effectuer en quelques jours le travail d'une "grosse colhe"... On arrête pas le progrès !


La machine à vendanger en action (chauffeur Michel Pesqui)


La vidange des raisin dans la benne

La vinification

Autrefois, chaque propriétaire, si petit soit-il, avait sa cave particulière où il "faisait" son vin dans les foudres de bois. Avant 1939 ces caves s'équipèrent de cuves en béton pour la fermentation. La création de la cave coopérative en 1947 devait boulverser le problème, sauf pour les vrai viticulteurs qui continuent d'élaborer et élever leur vin en cave particulière.

La fermentation est l'opération qui permet, sous l'action d'une levure apportée par la pellicule du grain de raisin, de transformer le sucre du fruit en alcool. La cuve de fermentation est pourvue, en son plafond, d'une trappe qui reçoit la vendange ; elle est surelevée sur son pourtour par un muret formant un bassin. Au cours de la fermentation, le plafond maintient immergé le chapeau de marc et la trappe permet le passage du jus qui déborde et s'étale dans le bassin. Cette opération produit un dégagement de gaz carbonique (CO2) qui s'évacue à l'extérieur, toutes portes ouvertes.


La macération carbonique. Etudiée et mise au point par un oenologue réputé, Monsieur Flanzy, directeur de la station oenologique de Narbonne, cette méthode consiste à introduire dans la cuve de vendange bien mûre, non foulée. Les baies entière de Carignan, Mourvèdre et Syrale doivent titrer 12° minimum, être cueillies délicatement et transportées dans des comportes non tassées (moins de 50 kg).


En cave, chaque comporte est vidée directement dans la cuve, préalablement saturée de gaz carbonique prélevé sur une cuve en fermentation. Pendant 10 à 12 jours aucune intervention n'est prévue sauf les contrôles de température et les prélèvements d'échantillons aux fins d'analyse. Au terme de la fermentation, le jus est couléet dirigé sur une autre cuve. Après pressurage des marc, le vin obtenu est mélangé au précédant, en maintenant la température entre 25° et 28° jusqu'à la fin de l'opération.

Ces vins obtenus _ dits de macération carbonique _ sont colorés, souples et de longue garde.

Pour l'obtention du vin primeur, trois jours seulement de fermentation suffisent pour obtenir le fruité caractéristique de ces vins à boire avant noël.

"Bonne cuisine et bons vin, c'est la Paradi sur terre" écrivait Henri IV.
C'était sans doute un fin connaisseur ... car il fut baptisé au Jurançon, dit-on !

Cf : Gruissan d'Autrefois n°69 et 79
F.G.