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PATRIMOINE CULTUREL

PERSONNAGES CELEBRES

Anna Alléon

1889 - 1980


Fille de Ferdinand Alléon et de Clarisse Bonnot, Anna naquit l'année du centenaire de la révolution.

Sa nièce Isabelle Laffage, née un mois plus tôt, eut la même nourrisse. Elles étaient donc "soeurs de lait".

Elle épouse, en 1971, André Ambert, ouvrier agricole puis saunier.


Bientôt naîtra Vincent, et Anna nourrira en même temps que son bébé, Claire Iché.

Que de langes ... et que de lessives !

Anna allait au lavoir savonner et rincer tout cela, laissant les nourrissons sous la surveillance de l'Aïeule.

Des lessives au lavoir, elle en a fait, de longues années, pour les autres.

Qu'ils étaient lourds ces draps de fil, à brosser, rincer et tordre surtout.


Il fallait s'entraider et les "langues marchaient" autant que les battoirs.



Battoirs

Ces draps, elle en connaissait la plupart, pour les avoirs, de ses doigts habiles, ornés de monogramme, ourlés de "bourdon" ou de "jours échelle", car c'était les "dames" qui, pouvant s'offrir les services d'une brodeuse pour le trousseau, pouvaient aussi faire laver le linge.

Elle portait toujours, sur sa robe, un grand tablier de satinette foncée, éclairé de pois ou de fleurettes.

Coins réunis dans la main gauche, il devenait sac, se remplissait de pigne de pin à la Fontaine.

Au Pech, il se gonflait d'herbes sauvages pour les lapins mais aussi pour la soupe.

Elle mettait aussi, dans ce tablier, le grain pour la volaille, et, les poules servies, elle visitait le "poundal", glissant dans ses poches les oeufs frais pondus, puis revenait à la cuisine.

En plus du poulailler, les cages à lapins et la cabane du cochon occupaient le long des murs de la cour, et Anna soignait tous ces pensionnaires qui, finissant à la casserole, étaient remplacés par d'autres.

Anna a tenu pendant de longues années, "la Ruche du Midi".

Sa fille Jeanine l'aidait à la vente, mais surtout à la tenue des comptes,car beaucoup de clients payaient en fin de mois.

Les rayons de l'épicerie contenaient le nécessaire, peu de clients pouvant s'offrir le superflu ; mais c'est à toute heure, ou presque, que la brave Anna levait le verrou de la porte.

Les pierres de savons alignaient leurs pyramides au premier rayon.

Elles étaient le plus souvent achetées par 3, les lavandières veillant à laisser sécher chaque pierre après utilisation ; ainsi, utilisées à tour de rôle, elles duraient plus longtemps.

Economies de rigueur !

Affable et douce, Anna écoutait ses clientes parler de leurs soucis, trouvait les conseils, les mots de réconfort et elles pouvaient compter sur la discrétion de leur épicière et amie !

Elle accueillait quelques enfants de la campagne Rouquette, scolarisés à Gruissan et à qui elle faisait chauffer le repas.

Les journées bien remplies lui laissaient peu de temps, pour, à la veillée jouer à la belote avec ses enfants, ou tricoter.

Elle réalisait aux aiguilles les chausettes pour tous, depuis les "petits bas" ajourés des tout-petits aux grosses chausettes hautes pour les bottes, piquant dans son chignon la quatrième aiguille, le temps d'ajouter un peu d'eau dans le toupin, ou d'entretenir le feu de cheminée.

Il y a toujours eu un chat affectionnant les genoux d'Anna.

Chasser les rats et les souris, c'était son affaire, et en échange de son travail, il recevait quelques débris de poisson, de gibier ou volaille, rendant l'assiette vide et bien léchée

Toujours très unie à sa soeur de lait, leurs enfants jouant ensemble, elle a hébergé Marinette, fille d'Isabelle, devenue grandette, jusqu' à son mariage avec Paul Boucher, le domicile des Rival ne comportant qu'une seule chambre réservée au fils.

La maison de la place, étant très grande, a abrité jusqu'à neuf à dix personnes.

Sur trois étages vivaient les Ambert et les Monier.

Anna et André régnaient au 1er étage.

Cela faisait beaucoup de monde mais Anna, mine de rien faisait respecter les règles de cohabitation, gardant parfois dans la cour ses trois petits enfants auquels s'ajoutaient ses neuveux, les enfants de Philomène, Paul, Marie et Andrée.

Que de jeux, de cris - de disputes peut être - mais Anna se fâchait jamais.

Cependant elle se mettait en colère une fois par an.

Quand, à la Saint-Martin, goûtant le vin nouveau, André lui présentait le verre en disant "Tasta me aquelh !", elle criait d'une voix aigre, surprenante, "agacès !".

Femme de vigneron, elle n'aimait pas le vin !

Mais la vaillante et courageuse Anna, les cinq dernières années de sa vie, n'a plus quitté la chambre du haut.

Coeur fragile, devenue presque aveugle, elle s'en remettait pour tout à sa fille.

Celle-ci montait maintes fois par jour dès qu'elle entendait bouger la chaise laissée à portée de main d'Anna.

Son mari, affaibli lui aussi, ne pouvant plus monter à l'étage, couchait au rez de chaussée.

En 1978, entendant un remue-ménage inhabituel, elle murmura à sa fille : "André est mort ?"

C'était hélas vrai ...

Elle lui survivra deux ans, et pas moins de 150 cousins ce jour-là, perdirent leur tanta Anna ...

Cf
: Mignard Nicolas - Le Cercle Généalogique Gruissanais.
F. G.