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PATRIMOINE ETHNOGRAPHIQUE

Pratiques Artisanals

Les lavandières d'antan


Pendant des siècles nos lavandières traversaient l'étang et utilisaient l'eau du puit communal de La Fontaine mais l'eau pure du ruisseau du Rec attirait aussi les lavandières.

En 1868 la générosité des familles Espert et Bouis permet la pose de canalisation reliant sources Gourp-Argent aux fontaines publiques du village ; la fontaine monumentale "Le Griffoul" honore les bienfaiteurs.

En 1873 le monument en pierre de taille construit au puit de La Fontaine, abritant réservoir et robinets, sera "transféré" avenue de Narbonne. En 1874 on utilise le trop plein en ajoutant un abrevoir et le "bassin" du Chemin Neuf.

Près du puits de La Fontaine il y avait un abreuvoir et un banc de pierre pour battre le linge, Le Griffoul était au carrefour avenue de Narbonne - rue Joseph Camp, (déplacé Place Général Gibert en 1966), mais à cet endroit était le petit monument "La Croix Blanche", construit en 1687 et qui sera transféré en 1868 plus avant sur l'avenue, à son lieu actuel.


"La beugado"

En ce temps là, le lave linge n'existait pas et la lessive constituait une entreprise familiale qui mobilisait femmes et enfants d'une maisonnée toute la journée du jeudi.

Le théâtre d'opération, c'était le lavoir public (communément appelé "le bassin"), grand réservoir de grosse pierre de taille d'une dizaine de mètres de long et d'un mètre cinquante de large, parcimonieusement alimenté en eau par le trop-plein des sources du Gourp. Il y avait deux "bassins" en service : à l'entrée du village et à la montée du cimetière. Ils étaient occupés, tous les jours ouvrables, par les "beugadieyros", professionnelles de la lessive, qui lavaient "pour le monde" (comme on disait !) et qui maniaient avec force et dextérité le battoir de bois . . . et leur langue bien pendue !

A ces "pros" venaient s'ajouter, le jeudi, les mères de famille qui procédaient une fois par mois au rite de la lessive.

De bon matin, la petite équipe regagnait les lieux, la brouette débordant de linge, pour occuper l'une des meilleures places à l'arrivée de l'eau claire. Les femmes savonnaient et frappaient le linge à grands coups de battoir pendant que les enfants surveillaient et alimentaient le fourneau où bouillait la lessive précieux liquide qui donnait au linge toutes sa netteté. Cette lessive était obtenue par passage successifs d'eau bouillante sur un lit de cendres. Le liquide prenait au fur et à mesure une belle coloration jaune ambré, puis il était versé en petites quantités dans un grand bac, sur le linge bien disposé.

Recueilli à la base, il repassait à nouveau dans la lessiveuse pour être épuré, réchauffé et recommençait son circuit jusqu'à ce que la grand'mère, experte en la matière, décide d'arrêter l'opération.


Il fallait alors démouler ce linge, pièce par pièce, le rincer abondamment puis l'étendre à même le sol, dans "l'armas de Pons" (actuellement mini-crêche).

Les femmes assuraient la maîtrise de l'opération. Les enfants aidaient, entretenaient le feu, transvasant la lessive, déplaçant le linge d'un baquet à l'autre, portant les corbeilles pleines, poussant la brouette et . . . suprême précaution, surveillant le linge en train de secher sur le pré, même pendant le temps de midi !

Ensuite, le linge fleurant bon la lessive était plié sur place, bien sec, et transporté à la maison, où il regagnait les vénérables armoires de noyer parfumées à la fleur de lavande.

Quel joie de vivre pour tous, petits et grands, dans une convivialité à jamais perdue ! Pour les "beugadieyros", c'était la distraction du jour, de nouvelles conversations, des cohabitations parfois difficiles car elles régnaient en maîtres ses sur les lieux. Et si, par mégarde, "l'étranger" poussant son vélo, lâchait en passant, d'un ton mi-badin, mi-provoquant le fameux : " Ya dé sabou a Greussa ?" il s'attirait la fulgurante réplique : " N'y a prou per té laba lou kuril, grand salop !"

Mais où sont nos lavandières d'antan ?

Cf : Gruissan d'Autrefois n° 49- Texte de Pierre Salençon
F. G.