PATRIMOINE ETHNOGRAPHIQUE
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Savoir faire traditionnels
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La vente du poisson avant la Révolution.
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Poissons et coquillages
ont toujours constitué l'essentiel de la nourriture des gruissanais.
Mais que devenaient les produits des pêches non consommés sur
place et qui ont permis aux Gruissanais de vivre, tout au long des siècles
de leur amour pour la mer. |
Gruissan était
une seigneurie qui appartenait, par dons ou achats successifs à l'archevêque
de Narbonne. Ce dernier en retirait tous les privilèges y compris
les droit sur les produits de la mer. |
En mai 1048,
et cela fut confirmé en 1080 et 1212, l'archevêque de Narbonne
Guifred et le vicomte Berenger donnent aux chanoines de Saint-Just la dîme
du poisson pris aux étangs du littoral. Les Gruissanais paieront
donc ce droit au Chapitre de Saint-Just. |
Un statut de
septembre 1243 arrêté par les Consuls de la Cité de
Narbonne va être à l'origine d'une longue série de conflits
entre les pêcheurs de Gruissan et la communauté narbonnaise. |
Ce texte, donné
en latin et un roman de Mouynés, réglemente de manière
pérentoire le commerce du poisson pêché en mer ou
dans les étangs "que son del destreg de Narboa" depuis
le cap de Leucate jusqu'au grau de Vendres. Que dit se statut ?
Obligation est
faite de porter ou faire porter à Narbonne tout le poisson pêché,
de l'exposer au marché et de le vendre aux habitants pour leur
consomation personnelle.
Interdiction
de porter ou faire porter pour vendre ailleurs qu'à Narbonne le
poisson.
Interdiction
de le vendre au revendeurs avant "midi frappé" avec interdiction
à ces derniers d'acheter le poisson au marché ou ailleurs
(bords de mer, d'étangs, chemin) avant midi.
Les sanctions
: interdiction de pêcher, acheter ou vendre du poisson pendant 1
an, amendes et confiscations du poisson et moyen de transport.
Les raisons
de ce statut : Nous les trouvons tout au long des siècles en
examinant les différents litiges entre les deux communautés.
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Nécessité pour la ville de Narbonne d'être alimentée
en poissons. |
En 1557 dans
un mandement, Guillaume vicomte de joyeuse à l'occassion de "la
disette du poisson" dont se plaignent les habitants de Narbonne, "prescrit
aux consuls de ne souffrir ni permettre que les poissonniers et pêcheurs
vendent aucun poisson qu'ils ne l'aient auparavant publiquement exposé
en vente au marché de la ville". |
Ce point de réglement
est encore souligné en 1622 au cours d'une transaction entre Mgr.
Louis de Vervins archevêque et consuls. Le privilège dont jouit
l'archevêque de pouvoir "faire venir et porter dans son palais
tout le poisson avant qu'il fut mis en vente au marché" est
précisé. |
En 1739 un rappel
est présenté aux juges de Gruissan "à l'effet
de faire inhiber et défendre aux habitant de vendre au bord de la
mer ou de porter ailleurs qu'au marché de Narbonne ..." |
Facilité d'un contrôle rigoureux de la quantité
pêchée pour prélever avec précision les différents
droits aux dûs. |
La dîme
du poisson : Nous avons vu que les Gruissanais la paient au chapitre
de Saint-Just.
Le 2 octobre 1464 une sentence de l'official de Narbonne maintient les
chanoines dans la possession et faculté de prendre la dîme
au vingtième du poisson et des anguilles.
Les levées
: (appelées parfois poissonnage - Bescherelle 1860 -).
Le vicomte procédait "aux levées" qu'il avait
droit de prendre sur le poisson porté dans la ville. Il pouvait
faire "venir et porter dans son palais tout le poisson avant qu'il
fut mis en vente au marché pour prélever ce dont il avait
bessoin pour nourrir sa maison".
Le droit
d'équivalent : Le droit d'équivalent pour vente de poisson
de mer était élevé en 1573 à cinq sols sur
chaque quintal de poisson vendu, exigible lorsqu'il est exposé
en vente.
Les Gruissanais réclament en vain en 1787 "une réduction
de ce droit".
Le droit
des "tabliers de la poissonnerie et des balances" : Il s'agit
de la location des "tables" (étals) des poissonniers
au marché de Narbonne et de la location des balances, propriétés
exclusives de la ville. (Le marché se situait dans l'actuel Passage
de l'Ancre).
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La vente de poisson,
très règlementée, était soumise à une
fiscalité élevée. Les pêcheurs gruissanais n'acceptèrent
jamais de fait ces statuts pourtant reconnus en 1568 et 1569 par les Consuls
de Gruissan et confirmé par lettres patentes du roi Henri IV en 1609. |
Tout au long
des temps nos ancêtres se défendirent âprement comme
en témoigne cet extrait du procès-verbal de la réunion
du Conseil de Gruissan du 13 août 1747 : "la prétention
de la ville de Narbonne tend à écraser les pêcheurs
de cette communauté, et ce serait une servitude peu éloignée
de l'esclavage car ces deux communautés ne pourraient gagner leur
pain qu'autant que plairait à Messieurs de Narbonne de leur permettre
de vendre leur poisson ailleurs, joug insuportable ! ...
... et de vouloir faire attention que cette communauté qui fournit
une si grande quantité de matelots quand le roi en a bessoin pour
ses vaisseaux est entièremment ruinée et les deux tiers des
gens obligés de déguerpir et d'élever leurs enfants
à une autre profession et pour cause quand les forçant à
n'être plus matelots si sa Majesté accordait à la ville
de Narbonne le privilège quelle demande." |
Les conflits
les plus sérieux du XVIIème siècle méritent
une étude plus précise. |
Cf : Gruissan d'Autrefois n° 45 - Source : Archive Municipales de Gruissan
et de Narbonne (Mouynés) - Bulletins de la Commission Archéologique
de Narbonne (Etude sur les biens du Chapitre par L. Narbonne)
F. G. |