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PATRIMOINE ETHNOGRAPHIQUE

Savoir faire traditionnels

La pêche à l'épervier

I / L'épervier :
L'épervier (lou rasal) est comme un filet conique plombé à la base et qui, lancé à la main, s'étale en rond, descend au fond de l'eau et emprisonne le poisson. Bien que formé d'une seul pièce, il comporte plusieurs parties : le "couguet" (petite queue) en haut ; la "nappe" ou ensemble des mailles ; "l'armun", armature de corde souple et résistante sur laquelle sont fixées des balles de plomb, cylindriques ou sphériques qui forment la base du filet ; le "lit" au montage de "l'armun", en veillant que la circonférence de celui-ci soit inférieure à celle du filet.

Sa confection : Le filet est "noué" maille à maille par le pêcheur lui même, le soir, à la veillée. Pour donner au filet sa forme conique, on démarre sur 50 à 100 mailles et, dès la 2ème rangée on fait les augmentations : deux mailles sur une toutes les cinq mailles jusqu'à obtenir une hauteur de 1,70 m à 2 mètres, terminée par 400 à 600 mailles à la base (1 maille = 14 m/m d'un noeud à l'autre).

Les outils : une aiguille en bois, os ou métal, qui emmagazine plusieurs mètres de fil, le fil (fin et fort) fil chinois de préférence, un moule, le bâtonnet cylindrique dont le diamètre correspond à la maille.
Un bon épervier doit avoir une maille assez grande afin de sélectionner le poisson et ne retenir que ceux qui font la mesure (pour le muge = 20 cm) un fil solide mais fin pour le filet "descende" rapidement ; un armun pas trop lourd pour ne pas fatiguer la pêcheur ; un lin bien formé où le poisson viendra buter.

II / Son utilisation :
Le lancer :
Pour lancer l'épervier on place une partie du filet (la moitié et à mi-hauteur) sur le bras, à hauteur du biceps droit et on prned dans la main droite le couguet. De la gauche on saisit quelques plombs qui pendent (côté intérieur bu bras). Le lancer s'effectue par une torsion rapide du corps de droite à gauche, accompagnée d'une rotation du bras droit à hauteur d'épaule. La main gauche imprime un mouvement circulaire à "l'armun", donc au filet. Ces deux mouvements bien synchronisés ont pour effet de projeter l'engin en avant et de "l'arrondir".

Les deux sortes :
l'épervier de course (décrit ci-dessous)
l'épervier à bourse ou "remboursé" dont le lit est remplacé par une bouse, obtenue en remontant l'armun à l'intérieur du filet par des fils attachés plus haut toutes les huits ou dix mailles. Cet épervier est muni d'une cordelette ou "couguet", ce qui permet de le remonter, car il est utilisé "à l'aveugle" en le lançant d'une embarcation ou de la rive dans les trou d'eau où se rassemble le poisson.

III / La pêche à l'épervier de course :
C'est la plus sportive et la plus passionnante. En maillot et chaussures montantes, un sac de grosse toile sur l'épaule et l'épervier sur le bras, nous voici dans l'étang de l'Ayrolle, dos au soleil et au vent, vers 4 heures de l'après midi. Nous marchons lentement, dans l'attente du muge ou plus rarement d'un loup en quête de crevettes ou de civelles. Enfin voici un muge qui croise de droite à gauche. Ca y est ! J'ai lancé l'épervier et le prisonnier essaie, déjà, de soulever les mailles ! Vite, à quatre pattes, je fais le tour du filet pour enfoncer les plombs dans la vase, puis je cherche le poisson, les mains à plat. Je le tiens ! Frétillant! Nerveux je le bloque de ma main gauche et passe la droite sous le filet pour le saisir derrière les ouïes et le mettre dans le sac ! Et au suivant !
Voilà un gros muge qui essaie, entre des masses d'algues ("l'arbanel") et de mousses, de regagner l'eau libre. Je lui barre le passage et il se réfugie dans "l'arbanel" qu'il venait de quitter. Je le suis à la trace, sa nage se ralentit, il s'arrête, bien caché, presque invisible, mais je sais qu'il est là.
L'épervier part ! Aussitôt c'est un bouillonnement. Il est vraiment gros ! Il faut faire vite ! Enfin je l'ai !
Cette pêche, vieille comme le monde, est pratiquée dans tous les continents. J'ai voulu, amis lecteurs, vous conter sa version gruissanaise.
J. H.


Cf : Gruissan d'Autrefois n° 61
F. G.