PATRIMOINE ETHNOGRAPHIQUE
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Culture populaire
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Les basculateurs
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Au début
de ce siècle, les foyers gruissanais étaient éclairés
par des lampes à pétrole qui trônait sur le rebord de
nos cheminées languedociennes. Elles étaient pratiquement
inamovibles et l'on montait aux chambres à la lueur d'une bougie.
Ces procédés de lumière artificielle étaient
ma foi bien commodes, malgré leur faible rendement lumineuse et les
odeurs caractéristiques qu'ils dégageaient. Les longues veillées
d'hivers, elles, se faisaient à la lueur dansante d'un feu de souches
autour duquel la famille rassemblée retrouvait son entité
sans la sérinité. |
En 1916, l'électricité
arriva à Gruissan. Distribuée par la S.M.T.F. depuis les usines
hydroélectriques de la Haute vallée de l'Aude, elle alimenta
l'éclairage public et les demeures particulières. Chaques
maisons "prit" l'électricité, mais-celle ci était
"donnée" de 5h du soir à 7h du matin, uniquement
pour l'éclairage. Seuls quelques rares artisans en bénéficiaient
pour leurs bessoins professionnels. Sur la façade de chaque immeuble,
un basculateur réglait l'ampérage utilisable. Si le nombre
de lampes allumés excédait le maximum autorisé, la
lumière "dansait"; elle était soumise à des
interruptions brèves et successives, générées
par un système de régulation à mercure bien abrité
sous le boîtier en zinc du basculateur. Il fallait vite éteindre
une lampe pour rétablir l'ordre. Par contre, la fourniture était
forfaitaire et on pouvait laisser les lampes allumées sans limite
de temps. |
Parfois, avec
l'humidité du marin, certains basculateurs se déréglaient
provoquant la colère des occupants. Alors, on essayait de les mettre
à la raison en frappant dessus avec une "partègue".
Un soir d'été, l'immeuble Grassiot-Baleste ses au 20 rue
Espert, fut l'objet d'une "danse" lumineuse incessante, malgré
les coups de partègue. On ne pouvait l'arrêter et même
une petite fumée sortait de la boite en zinc, provoquant un bel attroupement
de curieux. En allant vite chercher Mr Iché (dit Maximet) représentant
local de la S.M.T.F. et seul habilité à intervenir sur les
basculateurs. Quelle ne fut pas sa surprise quand il découvrit, dans
le système régulateur, le cadavre ... d'une petite souris
! Aujourd'hui, les basculateurs sont remplacés par des compteurs
qui distribuent le courant 24h sur 24. Le confort électrique est
à la portée de tous et nos vieilles lampes à pétrole
ne sont là que pour décorer nos cheminées. Mais il
est bon tout de même, en cas de panne, de reprendre ces gestes d'autrefois
et de recréer, pour un temps limité, cette intimité
retrouvée autour d'une flamme, bien vivante, elle !!! |
Cf : Gruissan d'Autrefois n° 133
F. G. |