PATRIMOINE ETHNOGRAPHIQUE
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Culture Populaire
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Les Armoiries de Gruissan
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En 1934 Louis
Rachou (1) dait de sérieuses recherches
sur l'origine de nos armoiries. Il offre aux Gruissanais un recueil "Notice
sur les armoiries de Gruissan". |
Il écrit
: "J'ai appris, dans "l'Armorial des Etats du Languedoc"
dont la valeur probable est indiscutable, que les armoiries de Gruissan
étaient précisément celles de Monseigneur Dillon ...
archevêque de Narbonne et seigneur de Gruissan de 1762 à 1790." |
" lion - léopardé "
avec sa langue comme
un dard de serpent
et sa queue en panache
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les trois croissants
signifient que les
ancêtre de Dillon
combattent les Turcs
au temps des croisades
(1096 - 1270)
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Dans sa fierté
de gruissanais Louis Rachou précise : "Voilà donc que
notre Gruissan, lui aussi, peut s'énorgueillir de ses armoiries,
comme d'un titre de noblesse, dont l'authenticité est reconnue." |
(1) : Louis Rachou
(1865-1939), avocat honoraire et bienfaiteur de la Commune, habitait 25
rue Espert ... (Place
Louis Rachou) |
Commentaire sur lhéraldique et les armoiries de Gruissan
par Louis Labatut
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Lhéraldique
est la science du blason, blason que lon représentait sur lécu,
c'est-à-dire le bouclier que les nobles chevaliers dautrefois
portaient avec leur armure. Ce mot vient de « héraldus »
« hérant » qui désignait lofficier chargé
de vérifier les déclarations de guerre
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Au Moyen-âge
lécu porta les armoiries des familles. Plus tard, certaines
cités acquirent le droit aux armoiries
et plus tard encore,
toute agglomération put avoir ses armoiries. Cest ainsi quen
1867 une délibération du Conseil Municipal de Gruissan décida
dorner les fontaines avec des armoiries qui devinrent les armoiries
de Gruissan. |
Il faut admirer
la ténacité enthousiaste, lamour pour Gruissan et la
générosité de Louis Rachou. Ses diverses investigations
et ses nombreuses démarches, avec sous le bras lécusson
de fonte pesant 2 kg représentant les armoiries de Gruissan et pris
sur lune des fontaines du village, lui permirent de fixer lorigine
des armoiries de Gruissan. |
Avant de traiter
cette question, disons quelques mots de lhéraldique, science
compliquée, composée dexpression venant du lointain
passé. Lhéraldique a une infinité de représentations
et elle utilise pour les décrire, un langage particulier, plein de
surprises et de mystère pour le profane. Retenons simplement que
le tiers inférieur de leau se nomme le « chef »
le tiers milieu le « coeur » ou la « fasce » le
tiers inférieur la « pointe » ou la « champagne
». Quant aux couleurs, à part « gueules » qui qualifie
le rouge et « sinople » le vert, leurs qualificatifs nous sont
plus familiers : or, argent, azur, sable. |
Les investigations
de Louis Rachou lui permirent donc de trouver lorigine de ces armoiries
gruissanaises qui sont celles du dernier seigneur de Gruissan, Monseigneur
Dillon, Duc de Narbonne de 1762 à 1790. Armoiries que Gruissan partage
avec dautres localités qui se trouvaient également sous
la suzeraineté des Ducs de Narbonne, comme par exemple Alaigne et
Bize. |
Comment décrire
les armoiries de Gruissan ? En faisant référence à
lhéraldique tout en gardant une certaine clarté on pourrait
dire : sur fond dargent, de gueules au chef dextre et senestre deux
croissants, à la pointe un croissant, au coeur un lion léopardé. |
On pourrait pour
terminer poser une question : pourquoi le conseil municipal de 1867 a-t-il
choisi pour armoiries de Gruissan le blason de Monseigneur Dillon et pas
celui dun des 62 Ducs de Narbonne, seigneurs de Gruissan et autres
lieux qui se sont succédé de 768 à 1790 ? |
Sans doute parce
que Monseigneur Dillon fut le dernier et parce quainsi que le note
Louis Rachou, il fit construire dans la région des ponts, canaux
et chemins. Mais personnellement, jaurais voté pour les armoiries
de Guillaume de Broa, ce
Duc de Narbonne qui fit construire au XIIIe siècle la tour qui domine
encore Gruissan et son terroir. On peut penser en autre que les prédécesseurs
de Monseigneur Dillon entreprirent eux aussi des travaux destinés
à accroître les activités économiques de la région. |
Jajouterai
que le « cartouche », c'est-à-dire lencadrement
de lécusson, avec sa tour crénelée, ferait mieux
écho au nom de Guillaume de Broa et à notre vieille tour quau
soleil couchant, shabille de pierre et dor. |
Etude Historique
Monseigneur Dillon, dernier seigneur de Gruissan.
par Paul Carbonel
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« LArchevêque
de Narbonne possédait parmi tant dautres biens, le terroir
de Gruissan. Il le tenait de Pépin le Bref lui-même. Le fondateur
de la dynastie carolingienne, sachant ce quil devait à léglise,
lavait favorisé, ici comme partout. Lévêque
de Narbonne, Aribert, se vit donc attribué en 768, pour luimême
et ses successeurs, le terroir de Gruissan. La dotation fut confirmée
en 1165 par Louis VII le jeune et, plus tard, par Saint-Louis. Elle fut
transmise à tous les titulaires de lArchevêché,
jusquà la suppression de ce dernier, en 1790, par le décret
de Constitution civile du Clergé.
Chaque archevêque avait ses armoiries personnelles ». |
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"D'hermine à une fasce fuselée
d'argent et de sable". Arlorial Général de France
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Je suis reconnaissant
à Madame Taussac de mavoir permis de prendre connaissance de
lintéressante communication de Mr Louis Labatut, et de la notice
de Louis Rachou où ce dernier raconte de façon si vivante
et pittoresque sa longue quête des origines du blason quil voyait
à Gruissan sur les fontaines de la ville, il y a plus dun demi-siècle
de cela. |
Ce que les Gruissanais
ne savent peut-être pas, cest que Gruissan, avant la décision
du Conseil Municipal de 1867, et avant même que Mgr Dillon ne monte
en 1762 sur le siège primatial de Narbonne, possédait tout-à-fait
officiellement un blason quil navait à partager avec
personne, et propre à la Communauté des habitants. Voici comment
: en 1696, Louis XIV fort à court dargent, décida
pour sen procurer que les particuliers et les communautés du
Royaume auraient à faire enregistrer leurs armoiries contre finance,
bien entendu ! Ce fut un vrai roman, avec force péripéties,
qui dura jusquen 1704, car les Français, comme chaque fois
quil sagit de verser de largent à létat
se dérobèrent à qui mieux mieux. Il fallut en venir
à faire imprimer davance des rôles où étaient
inscrites toutes les personnes et les communautés que létat,
à un titre ou à un autre, estimait devoir porter des armoiries.
Et si elles nen déclaraient pas, il leur en était attribué
et imposé doffice. Le tout était inscrit sur lArmorial
Général de France, confié à la garde de Charles
René dHozier, qui a laissé son nom à cette énorme
collection de 34 volumes dimprimés et 35 volumes de dessins,
conservés à la Bibliothèque Nationale à Paris.
Les commis dHozier avaient ouvert des bureaux dans chaque diocèse
du Royaume, et ils y enregistraient les déclarations darmoiries,
ou en imposaient, quant les déclarants étaient défaillants
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Ils étaient
arrivés dans chaque bureau avec un lot de pièces honorables,
propre au dit bureau quils couvraient de dessins dont ils se contentaient
de varier les métaux (or et argent, cest-à-dire jaune
et blanc), les émaux (azur, gueules, sinople et sable), c'est-à-dire,
rouge, bleu, vert et noir) et les fourrures (hermine et vair). |
Pour en revenir
à Gruissan, il se vit doté dun écu dhermine,
c'est-à-dire blanc semé de mouchetures noires caractéristiques
rappelant la fourrure dhermine qui doublait le manteau des rois, dun
blanc immaculé relevé par des taches noires du bout de la
queue de ce petit animal. Cet écu dhermine était chargé
pour Gruissan dune « fasce » (donc dune bande horizontale
médiane) fuselée dargent et de sable, c'est-à-dire
couverte de losanges alternativement blancs et noirs, en quantité
indéterminée (il faut seulement sarranger, lorsquon
figure ce blason propre à Gruissan, attribué expressément
« à la communauté des habitants du lieu de Gruissan
», donc des armoiries véritablement « civiles »
plus du tout seigneuriales, et pourrait-on presque dire « républicaine
» avant la lettre, armoiries à la fois officielles elles sont
inscrites à lArmorial Général de France, toujours
en vigueur), et contraignantes, en ce sens quelles sont la propriété
perpétuelle de Gruissan, qui pourrait plaider contre quiconque saviserait
de les prendre. |
On peut sétonner
de loubli où elles sont tombées ; en fait il en va de
même pour toutes les autres villes « députantes aux états
; elles ont toujours préféré leurs armes de seigneurie
(peintes depuis 1852 au plafond dune des salles du palais Archiépiscopal
pour la visite du Prince Président à Narbonne) à leurs
armes de communauté, dont elles ne se sont jamais servies. Lusage,
plus que centenaire maintenant, des armes de Mgr Dillon dailleurs
elles aussi très belle et très décoratives a fait basculer
dans lombre, pour Gruissan, les armes de 1696 ; mais il nétait
peut-être pas inutile de ranimer ici leur souvenir. Monsieur Labatut
aurait aimé, avec raison, que le choix du Conseil Municipal, en 1867,
se portât plutôt sur les armes de lArchevêque Guillaume
de Bros, qui fit construire la tour de Gruissan. Ce prélat ne semble
pas avoir eu darmes personnelles, et, dans les armoriaux, les auteurs,
pour ne pas laisser un écu en blanc, le remplirent avec des armes
du Chapitre Cathédral de St Just : « dargent à
la croix de gueules » ; mais étant données les relations
orageuses qui existaient généralement entre les Archevêques
et le Chapitre, il est douteux que Guillaume de Broa se soit jamais servi
de ce blason. |
Cf : gruissan d'Autrefois n°13 et n°14
F. G |
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