PATRIMOINE CULTUREL
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Les coups de mer de 1997

Décidément, cette nuit du 16 décembre 1997 restera célèbre dans les annales de la météo gruissanaise !

Après une pluie vigoureuse et continue d'une journée ponctuée sur le tard par des éclairs impressionnants et d'éffrayants coup de tonnerre, l'électricité peu à peu nous abandonnait dés 20h après une valse hésitation et des lueurs en demi-teintes.

A 22h Gruissan était dans le noir, il faudrait dire dans le rouge ! car l'alerte au raz de marée était donnée : pour les professionnels d'abord, pêcheurs et plaisanciers, dont le souci majeur était "d'alarguer"(1) les amarres de leur bateaux menacé de les voir sombrer ; pour les pompiers et les municipaux ensuite (élus et personnel) qui sillonnaient les rues du village afin de surveiller les points sensibles et de porter les premiers secours. Mais le raz de marée, poussé par un vent d'Est à 130 km/h envahissait à une vitesse record le centre du village, après avoir investi Gruissan-plage et les quais du port. On croyait Gruissan définitivement protégé par ses digues. Hélas ! il fallait déchanter !

C'est alors que bon nombre de particuliers luttèrent dans le noir, la nuit entière, contre la montée des eaux dans leurs habitations. Au petit jour, ceux qui, ignorants de ce qui se passait, avaient bénéficié d'un sommeil profond, tombèrent à pieds-joints dans les 30 cm d'eau de leur rez de chaussée. Une longue journée de travail et d'appréhension commençait pour "sauver"(2) tout ce qui pouvait l'être et évacuer ce flot indésirable à coup de seaux rageurs ! Le reflux n'intervint qu'en fin de journée, dévoilant l'ampleur des dégâts et accordant aux sinistrés un petit répit, ne serait-ce que moral ! Que réservait le lendemain ?

Nous ne dirons pas assez tous les dévouements, toutes les aides, tous les secours apportés aux gens en difficulté, toutes les initiatives heureuses qui, pour un temps, mirent un peu d'espoir dans le quotidien de notre vie.

Que leurs auteurs soient tous, en bloc, remerciés !

Nous noterons, pour le folklore, quelques "flashes" qui font sourire dans ces heures de tension. On a vu des piètons ; il n'y avait qu'eux dans les rue ! circuler en short et pied nus, comme en plein été, mais avec de l'eau au niveau des genoux : c'était une formule commode car il ne faisait pas froid ; d'autres, plus précautionneux, avaient chaussé des sacs poubelles et arpentaient les rues sans difficulté ; les demi-lotis bénéficiaient de bottes courtes, éfficaces pour rester en marge des nappes d'eau ; et le vieux Gruissanais, habitués de longue date au phénomène, avaient sorti leurs cuissardes ou leurs pantalons-bottes et rendaient service à tous les gens du quartier, pour percher les meubles sur des supports ou faire provision de ravitaillement. Mieux nantis, les journalistes de télévision circulaient en barque, guidés par les agents de la police municipale et immortalisaient par l'image cet événement mémorable.

Les enfants ont été frustrés : c'était un mercredi ! Ils n'ont pas pu aller à l'école en barque, comme nous le faisions à leur âge, quand les coups de mer, couplés avec l'innondation, avaient la décenée de se produire aux équinoxes (rentrée d'octobre ou début avril, veille des vacances de Pâques). Aujourd'hui tout est boulversé !

Le détail le plus amusant nous vient de la rue Carnot, véritable rivière où traverse de chemin de fer (3), bûches de bois et "rascataches"(4) de toutes sortes circulaient comme péniches sur un grand canal. En "agoutant"(5) sa cuisine inondée, la brave Mimi a remis dans le courant une petite "lisse"(6) qui avait eu la prétention de venir loger chez elle !

On arrête pas le progrès ...


... pas plus que le raz de marée !

(1) - alarguer : donner du mou au cordage
(2) - sauver : sauvegarder
(3) utilisées au boulodrome du village
(4) - rascatachés : débris de toutes sortes entraînés par l'eau
(5) - agouter : écoper
(6) - lisse : muge (poisson)


Eté 1907, la plage des chalets - photo de Mr Fagedet

Le chalet Marguerite fut construit en 1901 par la famille Cros
photo de Mr Fagedet


Grand' Rue du village en 1938 - photo de Mr Léon Gibert


en barque dans la Grand' Rue du village en 1997


écluse du village à côté du pont du vieux port


Bain de sièges pour les autos de la rue Isidore Bouis !


L'avenue Général Azibert ... une vrai rivière !


L'hotel de ville prend son bain de pieds !


Un sauvetage périlleux ... mais réussi, rue de Verdun.

Cf : Gruissan d'autrefois n° 108
F. G