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PATRIMOINE NATUREL

Faune

Terrestre

Les derniers troupeaux


Quelle belle image bricolique d'un temps qui n'est plus !

Au loin, le village offre son visage recueilli, d'avant la construction du boulevard extérieur.

Au premier plan, Mr Albert Barrau, le berger, musette à l'épaule et bâton sous le bras, s'offre un moment de répit.

Un mouchoir, retenu par la casquette, protège sa nuque des rayons de soleil.

Les moutons ont quitté la bergerie ; le berger, un de ses chiens près de lui, les laisse à leur plaisir de brouter paisiblement dans la zone salée bordant la route de Mandirac.

Plus tard il les conduira vers la lointaine destination qu'il aura choisie.

La vision paisible des troupeaux de moutons, le pas lent et méditatif du berger accompagné de ses chiens, sont des images champêtres qui ont bercé notre enfance villageoise.

Sur les terres gruissanaises, caillouteuses pauvres et salées, le mouton constituait le seul bétail qui pouvait trouver sa nourriture, et fertiliser la mince couche végétale du sol.

Au 18e siècle on en comptait jusqu'à vingt mille têtes.

Les troupeaux étaient nombreux aux campagnes du Bouïs, de Tintaine, à Capoulade.

Ce n'est que ces dernières décennies qu'ont disparu les trois derniers troupeaux du village.

Sédentaires, ils se partageaient équitablement les pacages.

Le troupeau d'Albert Barrau, route de Mandirac, traversait le village au son des clochettes, tôt le matin, et rentrait tard le soir.
Jean Falguéra abritait le sien à la Corderie.

Les moutons de Paul puis Pierre Délupy logeaient à l'extrémité de la rue Colbert où je prenais plaisir à les voir se presser vers l'abreuvoir en pierre.

Qui ne garde pas des souvenirs de ces temps si proches où les troupeaux, soulevant la poussière des chemins, emmenaient avec eux des nuées de moustiques ?

Ils laissaient après leur passage une multitude de petites billes noires qui rappelaient des bonbons de réglisse !

Pour Francette, une image se précise à sa mémoire : Paul Délupy, assis au milieu du troupeau, étale avec son couteau du fromage de Roquefort sur un morceau de pain, et parle à son chien. Sa femme, qui l'accompagne dans ses sorties, lit près de lui...

Chaque propriétaire mettant des terres à la disposition des bergers, recevait en dédommagement un demi agneau à Pâques ou à Pentecôte, et du fumier.

Celui- ci était répandu dans les vignes.

Ces terres étaient des parcelles en jachère, et des vignes.

Lorsque les vendanges puis le grappillage étaient terminés, on autorisait les troupeaux à paître dans les vignes et cela jusqu'à l'apparition des premiers bourgeons.

Les brebis étaient friandes des " cingles " (petites grappes vertes au moment des vendanges, que rechercheront les grappilleurs.) oubliés !

Dans le village, quelques habitants élevaient des chèvres pour le lait ;

Ils les confiaient aux troupeaux qui passaient, soit pour la journée, soit pour un plus long séjour.

Est-on conscient des efforts que cela demandait au berger ?

Si le mouton est docile, pacifique, assez facile à garder, il n'en est pas de même pour la capricieuse chèvre qui demande une vigilance de tous les instants !

Le chien, par sa présence, fait le lien dans le troupeau, et les moutons le craignent.

Mais pas les chèvres qui s'arrêtent, le narguent, barbichette au vent, et se font prier avant d'obéir.

Oui, le berger méritait bien en contrepartie de sa patience, du lait, et parfois un chevreau !


Autre berger sur la colline du Pech des Moulins


Famille entière gardant ses chèvres

Cf : Gruissan d'Autrefois n° 266 - Claire Courdil
F. G. GRASG