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PATRIMOINE INDUSTRIEL


Maritime


Histoire d'un naufrage
le S/S Chaouia et S/S Armenie

Le 16 janvier 1919, deux mois après la fin de la plus terrible guerre que notre histoire ait connue, le "S/S Chaouia3 sautait sur une mine.


Le S/S Chaouia

C'était un paquebot de 4 334 Tx de jauges brutes.

nationalité : français

but : transport

type : passager/cargo ship

propulsion : vapeur

date construction : 1896

dimensions : 116,4 x 13,8 x 8,86 m

matériel : acier

moteur : 1 x 4 cyl. quadruple expansion engine, 4 boilers, single shaft, 1 screw puissance, vitesse: 13,5 noeuds


no. chantier : 84


Cela se passait en face de l'île de Stromboli, le navire venait de Marseille et allait rentrer dans le détroit de Messine, il se dirigeait vers Le Pirée et Constentinople qui ne s'appelait pas encore Istambul.


L'île de Stromboli

Il transportait 660 passagers, dont 401 militaires grecs qui rentraient dans leur pays.

Voici le rapport du capitaine Calviès sur le naufrage du CHAOUIA.

Rapport du commandant :

Je suis parti de Marseille le 13 Janvier 1919 à 09h00 avec un chargement de marchandises diverses de guerre et de commerce et 660 passagers de toutes classes dont 530 émigrants grecs logés dans les entreponts 1, 2 et 3, plus dépêches, colis postaux et plis diplomatiques pour les missions de plusieurs nationalités se trouvant à bord.

Le 15 Janvier vers 22h00 aperçu le feu de Scylla franchement par tribord.

A minuit, sur l'alignement des feux de Pezzo et Faro, fait route au sud vrai.

Clair de lune, horizon clair, faible brise de NW, mer calme, terres et feux très clairs.

On aperçoit à bonne distance un vapeur qui passe le détroit remontant vers le nord.

A minuit dix, une violente explosion se produit à bâbord avant, à la suite de laquelle le navire se trouve violemment dévié sur tribord de 30°.

J'ai l'impression immédiate que le navire vient de heurter une mine.

Une énorme gerbe d'eau s'abat sur la passerelle et le pont des embarcations.

Des débris de toutes sortes se trouvent mêlés.

Les panneaux des cales avant ainsi que certaines marchandises sont projetés au dessus du pont et l'eau arrive presque immédiatement au niveau des bastingages.

J'accentuai l'abattée en mettant la barre à droite toute pour tenter d'échouer le navire sur les bancs de Rasaculmo mais, en raison de la rapidité avec laquelle le navire s'enfonçait de l'avant, et jugeant sa perte certaine, j'ai stoppé immédiatement, commandement qui a été répété plusieurs fois par le second capitaine.

L'homme de barre est envoyé à la machine avec mission de dire à l'équipage d'évacuer immédiatement.

J'ignore s'il a pu transmettre, n'ayant pu arriver à la porte de la machine en raison de l'envahissement par l'eau.

Aussitôt le choc ressenti, je me suis trouvé à la passerelle, entouré par tous mes officiers, le maître d'équipage, et le lieutenant de vaisseau Weoerbergh qui est venu très obligeamment se mettre à ma disposition.

Je l'ai chargé de diriger la mise à l'eau des moyens d'évacuation et de faire envoyer les signaux de détresse par le TSF.

Les signaux n'ont pu être que commencés, car le poste a cessé de fonctionner presque aussitôt.

La mise à l'eau des embarcations n'a pu être effectuée en raison de l'apiquage du navire et de la gite sur bâbord.

J'ai donné l'ordre, le navire n'ayant plus d'erre d'effectuer le lancement des radeaux, ordre qui a été exécuté sur toute la longueur du bâtiment.

L'eau envahissait la passerelle et l'arrière avec rapidité.

Prévoyant une disparition très rapide, j'ai donné l'ordre d'évacuation.

Monsieur Gall et moi restâmes sur la passerelle jusqu'au moment où nous en fûmes chassés par l'eau.

Après quelques brasses faites au milieu d'épaves de toutes sortes, je vis le bâtiment disparaître dressé presque verticalement.

En même temps je perçus deux ou trois détonations sous-marines que j'attribue à l'explosion des chaudières.

Je n'estime pas à plus de trois ou quatre minutes l'intervalle qui s'est écoulé entre la première explosion et la disparition définitive du navire.

J'ai pu saisir un radeau sur lequel j'ai été hissé à bout de force par le lieutenant Gall et le matelot Beverini.

Après la disparition du navire les radeaux, sous la direction du 2e capitaine, du lieutenant Gall et du L.V. Weoerbergh ont maneuvré dans la mesure du possible pour aller rechercher et sauver les personnes accrochées aux diverses épaves.

Peu de temps après, le navire que nous avions aperçu doublant Faro faisait route vers nous, stoppait à quelque distance et mettait à l'eau ses embarcations.

L'une d'elle se dirigea vers nous et, d'un commun accord je lui fit dire par le L.V. Weoerbergh de se diriger d'abord vers le groupe d'épaves d'où partaient des cris et que nous n'avions pu rejoindre.

Ce navire était le vapeur DAGHESTAN, du port de Sunderland.

Il a manœuvré pour se placer au vent des radeaux que nous groupâmes le mieux possible pour faciliter la manœuvre.

Quelques instants après, nous nous trouvions le long de son côté bâbord et montâmes à son bord où se trouvaient une cinquantaine de naufragés ramenés par la baleinière.

Cette embarcation avait pu être mise à la mer par le matelot Heuzé dans des circonstances très difficiles.

Il l'avait manœuvrée pour recueillir les naufragés se trouvant dans le voisinage, dans la mesure où le lui ont permis l'encombrement du canot et son envahissement par l'eau suite aux avaries survenues pendant son amenage.

Le DAGHESTAN est resté sur les lieux faisant des signaux de détresse par artifices lumineux et TSF, et recueillant naufragés et cadavres au fur et à mesure que les embarcations les ramenaient.

Nous nous sommes retrouvés à son bord au nombre d'environ 180, dont plusieurs blessés.

Nous avons trouvé l'accueil le plus cordial et le plus empressé de la part du capitaine John Macfarlane et de tout son équipage qui ont mis à notre disposition leurs approvisionnements et leur matériel.

Vers 08h00 du matin, le navire est rentré dans le port de Messine où le représentant de la Marine Française, les autorités italiennes et le consul de France avaient pris toutes dispositions pour l'évacuation des blessés et le logement des naufragés.

J'attribue le nombre considérable de pertes de vies humaines au fait que l'accident a eu lieu la nuit, alors que tous les passagers étaient couchés et au fait que l'explosion a du se produire entre la cale 1 et la cale 2, défonçant la cloison étanche et provoquant un envahissement presque instantané de la partie avant qui contenait le plus grand nombre de passagers.

Pendant toutes ces pénibles circonstances, il n'y a eu de panique à aucun moment.

Mes officiers et mon équipage m'ont prêté un concours précieux en exécutant dans les meilleures conditions et dans la mesure du possible tous les ordres que je leur donnai.

En raison de la rapidité de la disparition il a été impossible de sauver aucun papier de bord, documents secrets, dépêches, plis diplomatiques, valeurs ou effets.

Le recensement effectué à notre arrivée à Messine permet de fixer provisoirement à 184 le nombre de rescapés, répartis comme suit :

équipage 53

passagers 131

Signé Jean Baptiste CALVIES

Le navire coula en trois à quatre minutes, il y eut 476 victimes.

Ce fut l'ultime catastrophe de cette guerre (Pour la compagnie de Navigation Paquet).

Hélas il restait encore beaucoup de mines à la dérive.

Plus tard, le capitaine Calviès va proposer le personnel suivant pour des récompenses :

MACFARLANE John

Capitaine du vapeur anglais DAGHESTAN du port de Sunderland ; est venu sans hésitations sur le lieu de l'accident et a manœuvré son navire avec une très grande habileté professionnelle parmi toutes les épaves.

A recueilli la presque totalité des survivants.

A réservé à son bord le meilleur accueil et les meilleurs soins à tous les naufragés.

Etat-major et équipage du DAGHESTAN

Pour son dévouement lors de l'exécution des ordres du capitaine

Lieutenant de vaisseau WEOERBERGH

S'est immédiatement mis à ma disposition et a pris une grande part à la mise à l'eau des radeaux.

A montré dans les différentes circonstances de l'esprit d'initiative, de courage et d'énergie.

HEUZE Victor Matelot inscrit à Saint Malo

A réussi à mettre à l'eau une baleinière dans des circonstances très difficiles et a recueilli 52 survivants qu'il a ramenés sur le vapeur DAGHESTAN en manoeuvrant son embarcation avec une grande habileté.

BEVERINI Antoine Matelot inscrit à Bastia

A recueilli plusieurs personnes sur son radeau et s'est jeté à l'eau pour porter secours à une femme.

GALL Nicolas 1er lieutenant

A exécuté les ordres que je transmettais avec calme. A recueilli plusieurs personnes sur son radeau.

FABRE Jean-Baptiste 2e capitaine

Sitôt le choc, s'est rendu sur la passerelle dans une tenue très sommaire.

M'a secondé avec un esprit de calme et de décision. A contribué, quoique blessé, à recueillir des naufragés.

Lieutenant-colonel GRAVIER Passager

Pour l'énergie qu'il a montrée dans toutes ces circonstances, les soins dévoués et le réconfort donné aux blessés à bord du DAGHESTAN

Médecin-major BERNARD Passager

Quoique fortement blessé à la tête, a soigné et pansé tous les blessés à bord du DAGHESTAN.

SIMONPIETRI Pierre 2e lieutenant

Officier de quart. A exécuté avec ponctualité et calme tous les ordres donnés.

Commissaire principal CAMENEN

A contribué à la mise à l'eau des radeaux et a recueilli plusieurs survivants.

RAYNAL Victor Chef mécanicien inscrit à La Ciotat

DURAND Gabriel 2e mécanicien inscrit à Nantes

Ont pris toutes dispositions pour éviter des accidents avant l'évacuation du navire.

PROST Jean TSF inscrit à Marseille

A commencé le signal SOS qu'il n'a pu terminé.

Est resté à son poste jusqu'à la dernière limite.

A réussi à se frayer un passage en sortant du poste par la fenêtre.

En outre, j'ai été très satisfait de la conduite de tout mon équipage que je ne puis que louer.

Si je vous parle de ce naufrage, c'est que ce navire était commandé par un Gruissanais, il s'appelait Jean-Baptiste Calviés.

C'était un Capitaine au Long Cours.

Il continua de naviguer jusqu'à sa retraite et regagna son village d'origine.

Il y mourut en 1943.

Un autre Gruissanais Capitaine au Long Cours, également à la Compagnie de Navigation Paquet s'illustra pendant cette guerre, il reçu la Légion d'Honneur.

Il commandait le "S/S Arménie", et s'appelait Joseph Rizoulières.


Le S/S Armenie


Joseph Rizoulières

Les traditions maritimes de Gruissan ont disparu, la vie et la population changent, il est bon de se remémorer ce que faisaient nos ancêtres.

Réf : Histoire de la Compagnie de Navigation Paquet.

Voici une des listes des rescapés de 1ère, 2e et 3e classe du S/S Chaouia
D'ANDRIA Robert Inspecteur de la dette ottomane LABONNE Hirch Consul suppléant de France à Smyrne
ALMANSFELD (Madame) MOURIES (Madame) nièce du Ministre BERTRAND
ALNEFF (femme de chambre russe) MENDEN Gustave Lieutenant d'infanterie coloniale Constantinople
BERTRAND Ministre de France à Athènes MILESCO J.C. Mission Roumanie
BERRIAT Jean Chef d'escadron. Mission Roumanie MERY Antoine Fonctionnaire dette ottomane + Madame
BROWN Correspondant du Daily Chronicle MESTHENE Emmanuel Négociant grec
BERNARD Paul Médecin Major de 1ère classe MALAMIE Antony Américain
BAILEY (Mr et Mme) Américains ORBECK Marcel Mission russe
BERTRAND Jean Missionnaire PIRAULT Yves Capitaine base navale Constantinople
BALANOFF Cyrille Missionnaire PASSON Didier Capitaine d'infanterie Constantinople
BATSICHAREFF Officier mécanicien russe PLESNILA B. Agent diplomatique
BRESTHATJEN Edouard PERNES Oscar
BALAIEFF Michel Premier maître Marine russe PLOT Victor
De COURSON Guy Capitaine d'infanterie Mission Roumanie PETATOVICH sujet serbe
CRESPIN Ernest NEMAREZ François Mission russe
CAMENEN M. Commissaire Principal Base navale de Constantinople RISTSANTSELFF Colonel Mission russe
DUPONT Henri Lieutenant d'artillerie Mission Roumanie RUDLICKI Lieutenant Mission polonaise à Smyrne
DUMOULIN Paul Mission française Constantinople REY Alexis Directeur des chemins de fer de Smyrne
DOUSSART Max Mission Roumanie ROBILY Georges Inspecteur banque ottomane + Madame
DURA Eugène Officier d'administration du Génie RODILIS Alexandre sujet grec
DUPUAY Jean Missionnaire SIRGERIS (ou SERGIEV) Leonidas TSF Marine russe
FLEURY Eugène SERETKINE Dimitri Officier des équipages Marine russe
FOURRIER Denis Missionnaire TERSIAN Misssion russe
GRAVIER Paul Colonel Chargé de mission Roumanie VERMECH Albert
GIRAUD (Madame) WEVERBERGH Lieutenant de Vaisseau Base navale Constantinople
LAPORTE Osman Consul Général de France à Smyrne WEYL Lieutenant colonel Mission Constantinople

Cf : G.R.A.S.G. Gruissan d'Autrefois n° 169
F. G, Louis Labatut