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PATRIMOINE INDUSTRIEL


Maritime


Le naufrage du paquebot G/G Lamoricière

Le 6 janvier 1942, le paquebot "Gouverneur-Général-Lamoricière" de la Compagnie Générale Transatlantique quitte le port d'Alger à destination de Marseille.


Gouverneur-Général-Lamoricière

Caractéristiques :

Longueur : 117,34 m

Largeur : 15,24 m

Déplacement : 5 000 tonnes

Vitesse : 17 noeuds

Construit en 1921 à Newcastel-on-Tyne

Il a à son bord 272 passagers, parmi lesquels un groupe de 16 enfants du centre d'accueil Guynemer accompagnés de deux infirmières.

Deux Gruissanais : Joseph Jean et Auguste Béquier font partie du personnel navigant.


Joseph Jean (1904 - 1971)

La mer est déjà houleuse au départ mais c'est une tempête d'une rare violence qui assaille le navire lorsque celui-ci se présente à l'entrée du golfe du Lion, au large des îles Baléares.

Sous les rafales impétueuses du vent, le bateau donne de la gîte que l'on doit compenser en transportant la cargaison (480 tonnes de cageots de fruits et de primeurs) de tribord à babord.

L'eau fait ensuite son apparition en suintant à travers les soudures des plaques de la coques.

Bientôt se déclare une importante voie d'eau qui envahit la chaufferie.

Les membres de l'équipage, aidés par des soldats embarqués et de plusieurs passagers, font la chaîne avec des seaux pour soulager les pompes.

Travaillant dans l'eau, les chauffeurs luttent de toute leur énergie pour alimenter à tout prix les chaudières.

On brûle le mobilier pour pallier la mauvaise qualité du charbon (tous les témoins ont indiqué la friabilité de ce charbon qui ne brûlait pas bien).

Les hommes iront jusqu'à la limite de leurs forces et seront dans un tel état d'épuisement que beaucoup mourront au moment de se sauver.

En dépit de cette farouche résistance, les éléments sont les plus forts.

Il faut fermer les cloisons entre la chaufferie et les machines qu'il n'est donc plus question de pouvoir remettre en marche.

Le navire est alors en détresse; un S.O.S. est lancé.

En ce matin du 9 janvier 1942 se présente le premier bateau sauveteur, le paquebot "Gouverneur-Général-Gueydon" à bord duquel navigue un autre Gruissanais, Léon Héléna.


Gouverneur-Général-Gueydon


Léon Héléna (1907 - 1973)

Il se tient au plus près du navire en détresse, lequel entre-temps s'est encore incliné.

Des bribes de voix enfantines chantant "Maréchal, nous voilà!", "ce n'est qu'un au revoir, mes frères" parviennent jusqu'aux sauveteurs.

Un bâtiment de guerre et le paquebot "Gouverneur-Général-Chanzy" arrivent également sur les lieux.


Gouverneur-Général-Chanzy

A ce moment là, l'ordre d'évacuer les femmes et les enfants est donné.

Un canot est préparé où prennent place les enfants du centre Guynemer avec leurs accompagnatrices.

A peine touche-t-il l'eau qu'il est écrasé par le paquebot qu'une lame à soulevé.

Des radeaux sont mis à l'eau et des personnes équipées d'une ceinture de sauvetage se jettent à l'eau pour s'y accrocher.

Le vent souffle avec furie, l'eau est froide.

Des vagues énormes empêchent de mettre à la mer toute embarcation.

Les trois navires sauveteurs préparent des cordes, des filins, des échelles et des filets qu'ils laissent pendre le long de leurs bords.

Les naufragés, amenés par les vagues avec leur bouée ou leur radeau, tentent désespérément de s'y agripper.

Des scènes tragiques vont se succéder : certains, exténués, lâchent le filin qui les hisse et se noient; d'autres, repoussés par les lames, disparaissent au loin.

Un radeau, portant un homme noir et un enfant, se dirige vers les filets.

L'homme a quitté sa veste et en a enveloppé l'enfant.

Vont-ils être sauvés?

Non, le radeau est dévié par un courant et s'éloigne emportant ses deux passagers vers quelle fin dramatique, tandis que le noir fait comprendre par gestes qu'il va prendre soin de l'enfant.

Des actes héroïques sont accomplis : un matelot, attaché à une corde, est descendu plusieurs fois au ras des flots pour happer des bras tendus et implorants et sauver ainsi autant de personnes. (C'est ainsi que fut sauvé un enfant du Centre de Guynemer, qui se tenait faiblement, car blessé à la tête, à une planche. Le deuxième enfant survivant de ce groupe était bon nageur).

Joseph Jean est sauvé : ayant pu par chance passer une jambe dans une bouée, il est soulevé ainsi à bord du paquebot où il trouve Léon Héléna.

Au médecin du bord qui est débordé et qui se penche sur le naufragé à bout de forces, mon père explique : "C'est un pays. Je m'en occupe."

Auguste Béquier, lui, par malchance, succombe alors qu'il est déjà à bord du bateau sauveteur, le paquebot "G-G-Chanzy".

Il est un peut plus de midi et demie lorsque le paquebot "G-G-Lamoricière" sombre lentement par l'arrière. (La nouvelle de ce naufrage provoqua une émotion intense à Marseille, notamment parmi la colonie gruissanaise qui se pressait, chaque jour, devant le siège de la Compagnie Générale Transatlantique, boulevard des Dames, pour obtenir des renseignements).

Bilan de la catastrophe : 299 morts dont 14 enfants du Centre de Guynemer avec les deux infermières.

Sources :

Souvenirs de Auguste Jamen née Jean et de Marc Héléna, d'aprés les récits de leurs pères respectifs.

Journaux d'époque : Le Petit Marseillais, Marseille-Matin, Le Petit Provençal.

Cf : G.R.A.S.G. Gruissan d'Autrefois n° 150
F. G - Marc Héléna