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PATRIMOINE ETHNOGRAPHIQUE


Fêtes

La Saint - Pierre

Etude historique de Paul Carbonel    
     
... Vers le milieu du XVIIIè siècle, des pêcheurs de Gruissan, trouvèrent au bord de la mer, parmi les épaves d'un navire naufragé, une "figure de proue" en bois, finement sculptée et peinte de diverses couleurs.
C'était, à n'en pas douter, un buste de Saint - Pierre. On reconnut, dans ce buste sa belle tête barbue de pêcheur galiléen, son front têtu et ridé, ses lèvres saillantes, ses grands bleus au regard fixe ; enfin sa main gauche, tenant deux grosses clés du paradis.
Le buste, naturellement recueilli par l'église paroissiale, devint aussitôt l'objet d'une vénération particulière, en raison des circonstances remarquables qui avaient fait découvrir le "patron des pêcheurs" par des pêcheurs. Bien qu'aucun document ne le confirme, il est très probable que cette trouvaille est à l'origine de la fête pittoresque des pêcheurs, célébrée le 29 juin.
Bien avant 1789, le Conseil politique de la communauté précisait les moindres détails de cette célébration. Mais le 28 frimaire an II (18 décembre 1793) une décision du Conseil Général du Département ordonna que "disparaisse et périsse toute trace de fanatisme". Des "démolisseur", envoyés par la Société populaire de Narbonne, vinrent à l'improviste, dans les derniers jours de 93, détruire les nombreux objets d'art de de piété que renfermait l'église. L'alerte donnée, un groupe de femmes, s'opposa aux vandales avec une farouche énergie. Le buste de Saint - Pierre, souillé, d'ordure fut transporté à la Prud'homie des pêcheurs. Ce tribunal délibéra "de garder le buste", afin qu'une telle profanation ne puisse se reproduire. Nettoyé, lavé, repeint, Saint - Pierre fut placé sur une console, dans l'angle droit de la salle des scéances. La tourmente passé, il y resta. Il y est encore. Il n'en déscend qu'une fois par an, le 29 juin.
Dés que cela fut possible, vers 1796 ou 1797, l'ancienne fête fut reprise, organisée désormais par la Prud'homie. Elle garda à peu prés tout son cérémonial originel jusqu'en 1870. Elle perdit bientôt quelques participations officielles et spectaculaires : celle du Maire et de ses adjoints, en habit et gibus, ceints de leurs écharpes; celle du Conseil Municipal; celle des quatre douaniers en armes; celle du Maître des cérémonies (le bedeau de l'église), en manteau violet, culottes courtes, chapeau à plumes blanches, bas de soie noire, souliers à boucles, armé d'une verge souple à pommeau d'argent.
Essayons de reconstituer la fête de la "belle époque" :
Le 28 juin le garde de la Prud'homie porte discrètement le buste de Saint - Pierre au presbytère. Les épouses des patrons-pêcheurs l'ont revêtu de son costume d'apparat, manteau de velours grenat à parements dorée, large ruban de soie rose avec un gros noeud entourant les deux grosses clés dorées. Placé ensuite, parmi des lys d'or et d'argent, sur un brancard à draperies rouges, Saint - Pierre trône au milieu de la grande salle à manger de Monsieur le Curé, portes et fenètres grandes ouvertes. A la nuit tombée l'orchestre lui donne la sérénade, tandis que la population défile devant le Saint. Puis, c'est la sérénade devant chaque maison de patron - pêcheur.
Le 29 juin, un petit cortège se forme au presbytère. En tête, un pêcheur porte un grand drapeau dont les deux faces évoquent, en peinture, des épisodes de la vie de Saint - Pierre. Un autre pêcheur suit, portant, au bout d'une hampe, une petite barque dorée. Saint - Pierre sur son brancard, est porté par quatre pêcheurs et le petit orchestre joue une figure de quadrille. A la Prud'homie, le cortège est complété par les quatre juges revêtus de leur toge noire avec rabat blanc, coiffés de leur toque à galon d'or pour le président et d'argent pour les assesseurs.
Viennent ensuite le syndic des Gens de la Mer, le garde maritime, le garde prud'homal, enfin le groupe compact des pêcheurs (plusieurs centaines) en leurs plus beaux habits. Tout ce monde de dirige vers l'église en musique. Au passage du Saint, les femmes se signent, lui jettent des fleurs; les hommes se découvrent.
Accueilli devant le porche par le clergé, Saint - Pierre pénètre dans une nef pleine à craquer où éclate la musique des grandes orgues (1). Saint - Pierre dans le choeur, prud'hommes à leur banc, "autorités et marguilliers sur les stalles, pêcheurs aux tribunes, la grand'messe commence ... Les orgues et le lutrin exécutent la messe de Sulli ... Après l'évangile les quatre prud'hommes se placent au fond de l'église : "L'offrande" va commencer. Soudain un air cadencé emplit les voûtes : l'orchestre exécute une scottish bien rythmée. Les 1er, 2è, 3è, 4è Prud'hommes, puis les pêcheurs se dirigent vers le choeur en observant le rythme de la scottish. Ils saluent en écartant les bras : la main droite tient hampe et barque, et la main gauche un cièrge allumé ... Après la messe les quatre juges étaient reconduits en musique à la Prud'homie. Ils en revenaient, de la même façon, pour les vêpres. Un dernier cortège en musique reconduit Saint - Pierre à la Prud'homie ... Vers 1898 le parcours de la procession est allongé, afin d'amener Saint - Pierre sur le pont des Capitaine ..."
(1) Les grands orgues démontées pendant des travaux, attendent leur restauration
cf : Gruissan d'Autrefois n° 54
F. G
Quelques personnes qui ont marqué la Fête de la Saint - pierre de Gruissan
de 1905 à 1994
Cf : Gruissan d'Autrefois n° 53, 54, 58, 77, 89, 101, 125
F. G
de 2000 à 2001
Cf : G. R. A. S. G
F. G