PATRIMOINE ETHNOGRAPHIQUE
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Culture Populaire |
Notre Langue |
Le Languedoc (1) est traversé par deux voies naturelles importantes : |
Le couloir littoral, lantique chemin dHéraclès, qui établit une liaison entre dune part lEspagne et dautre part la vallée du Rhône ainsi que lItalie via la Provence. |
Le couloir qui se raccorde avec le précédent à la hauteur du Massif de la Clape et qui à travers la base vallée du lAude et le seuil de Naurouze, rejoint la Vallée de la Garonne, il souvre sur lAquitaine et unit ainsi la mer Méditerranée à lOcéan Atlantique(2). |
Les origines de notre langue : |
En 118 avant Jésus Christ, Rome, puissante cité du Latium, choisit précisément le carrefour de ces deux zones de passage pour y fonder Narbonne. Cest la première colonie romaine, Colonia Narbo Martius, créée hors dItalie, cela fait plus de 2100 ans. Pour les Romains, limportance de cet endroit est à la fois stratégique : tenir la route menant à leurs conquêtes militaires de péninsule Ibérique et économique : sassurer le contrôle des circuits commerciaux déjà existants (route des létain(3). A ces considérations sajoute une raison politique : installer des citoyens appauvris loin des terres convoitées de lItalie. Quelque 2000 colons civils originaires en majorité de lItalie centrale(4) viennent dans le Narbonnais, prendre possession de terres cadastrées doù les indigènes ont été expulsés. Cest le début de la romanisation de la Gaule Méridionale. En 45 avant Jésus Christ, Jules César le conquérant des Gaules, y établir en outre quelques centaines de vétérans de la Xème légion, originaires de la Gaule cisalpine(5) et de lItalie centrale(6). Cette deuxième colonisation, dun apport plus faible et de caractère militaire, occupe les terres de la colonie restées encore vacante. |
Narbonne prend rapidement de limportance durant le 1er siècle av. JC. Dès sa fondation, elle est le siège du gouvernement dune nouvelle Province, la Provencia(7). Soucieuse de promouvoir son établissement, Rome améliore le réseau routier(8) et le complexe portuaire dans la lagune(9). En plus des colons, des soldats, des administrateurs, la ville est fréquentée par des marchands, les trafiquants, les brasseurs daffaires, ils apportent leur savoir faire, leurs traditions et leur langue : le latin. |
La formation de notre langue |
Lexpansion progressive du pouvoir romain depuis la conquête du Latium, puis de la péninsule Italique couvre à la fin du 1er siècle après J-C, lensemble du bassin méditerranéen(10). Cette extension considérable implique le développement concomitant de lemploi de la langue latine, adoptée peu à peu par la plupart des provinces occidentales(11). Dans notre région la pacification tôt réalisée et la prospérité économique favorisent limprégnation de la civilisation latine dans une population autochtone qui a manifesté à légard de Rome un sentiment de fidélité précoce. |
La langue parlée, plus libre et moins fixée que le latin littéraire, évolue plus vite que la langue écrite ; le latin parlé notamment par la masse des personnes nom informées de la tradition littéraire, ou latin vulgaire, diffère sensiblement du latin écrit par les auteurs de lAge classique(12). |
Dans les deux derniers siècles de lEmpire commence un processus de transformations structurales du latin. Malgré la rigidité de la tradition écrite littéraire, la langue écrite subit constamment linfluence de la langue parlée populaire. Dautre part le latin vulgaire lui- même évolue dans le temps et la grande diversité, quant à leur appartenance ethnique et à leur langue dorigine, des populations vivant dans le vaste Empire romain en favorisent la différenciation territoriale. Après la chute de lEmpire(13), le latin perd son unité et se scinde en variantes provinciales différentes. Il donne naissance(14) au VIIIème siècle aux langues romanes. |
Notre langue, langue romane |
Notre langue est une langue romane issue du latin au même titre que le catalan, lespagnol (castillan), le français, le portugais, le roumain, le sarde. |
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Le mot occitan permet de lever toutes ces ambiguïtés, il est, de nos jours, de plus en plus employé. Ce néologisme (lingua occitana) créé au XIVème siècle par la chancellerie royale française, est une traduction en latin du terme roman lenga doc et est destiné à désigner les nouvelles terres réunies à la Couronne de France après la Croisade contre les Albigeois. Même sil évoque une époque de conquête coloniale, il est commode pour désigner lensemble des parlers méridionaux et peut constituer un symbole de reconquête linguistique pour tout un peuple auquel on a fait croire que sa langue nétait quun patois. |
Le domaine géographique de notre langue |
Laire de la langue doc, ou occitan (18), comprend à peu près la moitié sud (19) de la France, des Pyrénées aux Alpes au dessous dune ligne qui part grossièrement de lestuaire de la Gironde, se dirige vers le nord en englobant le Périgord et le Limousin, contourne le Massif Central en passant sous Guéret et sous Vichy, sinfléchit vers le sud en direction dAnnonay et, franchissant le Rhône, rejoint la frontière italienne en passant au nord de Valence, de Die et de Briançon. |
Actuellement, loccitan sexprime en six grands dialects (20). On distingue les dialectes nord-occitans (limousin, auvergnat et vivarois-alpin) et les dialectes sudoccitans (gascon, languedocien(21) et provençal). Ce partage du domaine linguistique doc en deux grandes parties est caractérisé par le traitement différend de CA et GA latins (22) qui demeurent ca et ga dans le sud occitan et évoluent en cha et ja dans le nord occitan. Loriginalité linguistique du gascon (23) en fait presque une langue à part. Le provençal est, au moyen âge, globalement identique au languedocien, ce nest quà partir du XVIème siècle que des différences sétablissent(24). Le languedocien est le plus étendu des dialectes occitans(25). Resté le plus proche du latin, il est phonétiquement le plus conservateur, il est celui qui est le moins éloigné de loccitan moyenâgeux. |
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Remarques au sujet de la limite linguistique entre la langue française et notre langue : (voir la carte ci-dessus) |
D'une manière curieuse, le latin a abouti à la formation de deux langues romanes différentes (le français et l'occitan) sur le sol de la France. Plusieurs facteurs ont probablement joué un rôle, dans une mesure plus ou moins grande, dans cette bi-partition linguistique : |
Le relief : Les pays d'oc présentent un relief montagneux important (Pyrénées, Massif Centarl, Alpes) qui a certainement favorisé la fixation et la stabilité des populations. Les envahisseurs n'ont pu que s'infiltrer tout en se mélangeant aux anciens occupants du sol alors que dans le pays d'oïl, pays de grandes plaines ouvertes, ils ont pu les balayer à maintes reprises. Cette relative permanence des racas dans le Midi et ce renouvellement ethnique dans le Nord peuvent peut-être expliquer, du point de vue linguistique, les tendances conservatrices du roman méridional et les facultés évolutives du roman septentrional. |
D'ailleurs, les endroits où la limite entre langue d'oïl et langue d'oc descend le plus bas correspondent aux deux grandes voies de pénétration vers le Sud : le seuil du Poitou et la vallée du Rhône (26). |
Le peuplement avant la conquête romaine : Ce n'est qu'à partir du Néolithique (27) que la nation de peuplement devient significative. Auparavant, il ne s'agit que de petits groupes humains épars sur de vastes espaces (28). Deux courants de populations peuplent anciennement la partie méridionale de l'hexagone. Le premier, constitué de peuples au crâne allongé (29), est originaire du Proche-Orient et correspond à la race méditerranéenne. Le second, formé de peuples au crâne arrondi (30), est originaire des régions ouralo-altaïques (31) et appartient à la race alpine ; il est présent surtout dans les Alpes, le Massif Central et les contreforts des Pyrénées. Ce type d'hommes est plus rare au nord de la Loire. |
Au cours du 1er millénaire avant J. C., à l'approche des temps historiques (32), d'autres envahisseurs vont se mélanger à ce fonds racial sans le modifier profondément : |
Les Celtes pénètrent dans la partie septentrionale de l'hexagone à partir du IXème siècle avant J. C.,en plusieurs vagues (35), depuis leur aire originelle de l'Europe Centrale. Ce sont des Indo-Européens (36). Ils s'implantent particulièrement dans l'Est. Leur venue dans le Sud est plus tardive, puisqu'ils n'atteignent les régions les plus méridionales qu'au IIIème siècle avant J. C. Ce sont les Volques (37), tribu gauloise (35), qui prennent possession du pays situé entre la Garonne et le Rhône où leur domination, politique et militaire uniquement, ne semble pas avoir exercé une influence profonde. |
La romanisation : Après la conquête romaine, l'intense romanisation de la Provincia en fait un pays plus romain que gaulois. Les trois principales villes de Narbonne, de Nîmes et de Toulouse sont les trois centres de diffussion de la civilisation de Rome. Les terres qui sont contiguës à la Narbonnaise (38), sont donc exposées à son influence massive et directe. De ce fait, la langue parlée dans ces régions, en contact étroit avec celle parlée en Italie du Nord et en Espagne septentrionale, va connaître une évolution différente de celle parlée plus au Nord, et ce bien avant que l'implantation des Barbares vienne accentuer ces nuances. |
Les invasions germaniques : Au Vème siècles avant J. C., alors que la romanisation est achevée, les différentes invasions germaniques venues par l'Est vont jouer un rôle de première importance. L'arrivée des Francs dans le Nord, des Burgondes (39) dans les pays actuellement franco-provinçaux, va apporter des structures linguistiques et des bases articulatoires nouvelles qui vont modifier le roman des pays méridionaux. L'établissement des Wisigoths dans le Midi n'as pas, pour la langue, des conséquences aussi importantes : les rois wisigoths se considèrent en effet comme les continuateurs ou les restaurateurs de la romanité. Et même après la chute en 507 du royaume wisigothique, la conquète franque (40) au Sud de la ligne oïl / oc n'a qu'un caractère politique et ne change pas les habitudes populaires. |
Conclusion : (41) Ainsi, pour essayer de justifier l'existence d'une ligne de démarcation entre les langues d'oïl (français) et d'oc (occitan), apparaît-il un ensemble de faits complexes dont il est difficile, dans l'état actuel, d'établir la hiérarchie. Il faut toutefois souligner la dualité ethnique instituée dés les temps anciens : d'une part, la survivance des races préhistoriques et protohistoriques dans le Sud de l'hexagone grâce à une structure orographique particulièrement marquée ; d'autre part, l'absence des fonds ligure, ibère et wisigothique dans le Nord où dominent par contre les éléments celtes (gaulois) et francs. En outre, la romanisation est plus ancienne et plus intense en terres d'oc. |
Une nouvelle et assez récente orientation des recherches attire l'attention sur la ligne partant du Poitou, pays de marais, et se prolongeant par des forêts jusqu'au plateau de Langres, très boisé. Cette zone est peu propice à la communication, au trafic et à la colonisation ; elle constitue une barrière naturelle empêchant les relations entre les groupes humains et par la même favorisant la création d'une frontière linguistique. A l'époque du Bas-Empire (42) coexistent deux grand courants de romanisation : l'un, porteur d'un latin vulgaire archaïque, originaire de la vieille Narbonnaise, aboutit, par l'intermédiaire du bassin de la Garonne, aux pays au-dessous de la Loire ; l'autre, chargé d'un latin vulgaire plus progressif, apporté par les légionnaires trasitant par Lyon (43) pour aller sur le Rhin arrêter le danger germanique, gagne donc les régions du Nord et atteint ensuite celles de l'Ouest, situées au-dessus de la Loire. Les deux courants se rencontrent finalement, assez tard, surles bord de la Loire. La bi-partition linguistique de la France romane commencerait, dans cette optique, avec la romanisation même. |
(28) A l'époque des peintures rupestres de Lascaux
(environ -15 000 ans) le nombre des habitants de l'hexagone est estimé
de 15 000 à 20 000. (30) Brachycéphale (31) Région de l'Asie situées entre les monts Oural et les monts Altaï. (32) Cette phrase de transition, immédiatement antérieure à l'application de l'écriture, est appelée la protohistoire. (33) Les Elisyques, peuple ligure, ont pour capitale Naro et Narbo, sise sur la colline de Montlaurès. Ce sont les premiers occupants connus de notre région ; les historiens grcs y signalent leur présence aux VIème et Vème siècles avant J. C. (34) La présence des Ibéres est atestée à l'oppidum d'Enséruni, où l'on a retrouvé de nombreuses inscriptions en langue Ibère dantant du IVème siècle avant J. C. (35) Les Celtes de la dernière vague sont appelés les Gaulois, nom que leur donnent les Romain. (36) Les Grecs sont présents depuis la fondation, vers 600 avant J. C., de Marseille qui à son tour fonde une série de comptoirs (Agde). Leurs préoccupations sont commerciales. (37) Notre région est à la charnière
de deux grandes fédérations celtes : les Volques Tectosages
(capitale : Toulouse) et les Volques Arécomiques (capitale : Nîmes). |
Cf : Gruissan d'Autrefois n° 14, 16, 19, 25 et 32 F. G. |