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PATRIMOINE ETHNOGRAPHIQUE

Pratiques Artisanals

L'arracheur de dents

Les vieux pêcheurs racontaient des faits qui paraîssent de nos jours invraissemblables.

Avant la grande guerre 14 - 18, tous les mois vers 9 heures du matin, "l'arracheur de dents" s'installait sur la place de l'église. Il arrivait dans une carriole bâchée, aux couleurs vives bariolées, tirée par un mulet. Celui-ci était atelé et attaché par le licol à un platane. La femme de "l'arracheur" de dents et un acolyte qui ressemblait à un lutteur de foire, déballaient le "matériel" : fauteuil renforcé, table sur laquelle on voyait un genre de petite tenaille, des pinces, divers flacons et bouteilles, une serviette et quelques petits torchons.

Curieux les "badaïriés" arrivaient pour assister au spectacle. Parmi eux des clients attendaient; la figure entourée d'un foulard cachant l'enflure de la joue. Ceux qui souffraient atrocement de leur "caïssal", tout carié; étaient là impatients et silencieux. Le maître "arracheur" avec un cérémonial plein de dignité, s'habillait lentement d'une grand blouse blanche et d'un chapeau haut de forme. Il faisait asseoir le premier patient sur le fauteuil puis lui nouait une serviette autour du cou. Pour mieux supporter la douleur un petit verre de rhum était offert. Puis il faisait ouvrir grand la bouche, inspectait les dents, palpait le "caïssal" tout carié et parlait tout bas à sa femme. L'acolyte prenait un tambour et commençait un roulement assourdissant. Le spectacle commençait !

"L'arracheur" prenait une petite tenaille présentée par sa femme, ébranlait la dent puis avec une pince, serrait, tirait fort, le patient se soulevant un peu du siège; mais la main du "maître dentiste" pesait sur son épaule tandis que l'autre main, le bras levé, montrait la dent extraite. Alors, le tambour diminuait d'intensité et s'arrêtait. L'opération était rapide et les spectateurs applaudissaient. Le pauvre patient avait la bouche en sang et la femme lui faisait rincer la bouche avec un liquide préparé dans un flacon, liquide qu'il recrachait dans un seau. Le client suivant s'assayait sur le fauteuil et "l'arracheur" continuait sa bonne "oeuvre", pas gratuite, mais modique.

Avant midi, le roulement de tambour annonçait le départ et le mulet attelé, la carriole repartait vers Narbonne.

Cf : Gruissan d'Autrefois n° 147 - Texte de Jean Boucabeille
F. G.