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PATRIMOINE CULTUREL

Marins

Marins de Gruissan - Marins du monde

Les Gruissanais, de tout temps, furent des pêcheurs, attachés à leur mer et à leur étang.

Mais, de tout temps aussi, ils furent de grands navigateurs.

Avec leur expérience de la voile et des manoeuvres, on les retrouve dans le monde entier.

Au "service" sur les bateaux de guerre, ils sont allés jusqu'aux Amériques, en Egypte, en Chine.

Entreprenants, au XVIIIème et au XIXème siècle surtout, ils sont armé des "Trois Mâts" et se sont livrés au commerce maritime.

Economes, ils ont réussi, le plus souvent en association familiale, à faire construire des voiliers qu'on retrouve à Rio de Janeiro ou en Sierra Leone.

Pour cela ils ont dû suivre des études, devenir "capitaines marin" pour naviguer au cabotage, "capitaine au long cour" pour conduire leurs bateaux sur tous les océans.

Leurs équipages se recrutaient dans le village même.

Parents, amis partaient vers la même aventure.

Je vous parlerais aujourd'hui de deux Gruissanais qui, sous le 2ème Empire, sont allés, l'un jusqu'au Mexique, l'autre en Haïti.

Aucun n'est, hélàa revenu.

Napoléon III s'était lancé dans une expédition insensée au Mexique afin d'y établir un empire latin dont l'archiduc Maximilien d'Autriche deviendrait l'empereur sous influence française.

En 1861, une escadre bombarde Vera Cruz.

En 1862, elle doit rester à l'ancre pour attendre un renfort de 60 000 hommes, vite décimés par la guérilla, le "vimoto-negro" : le paludisme.

L'expédition, malgrè la bataille héroïque de Camerone en 1863, sera un terrible échec.

L'empereur Maxilien fusillé, nos troupes terrestres et navales sont retirées en 1867.


Maximilien 1er
1832 - 1867
Empereur du mexique

"Alfonse" (sie) Bonnot, qui fait partie de l'escadre, ne sera pas présent dans le convoi du retour.

Pendant que les vaisseaux restaient en rade en 1862, Alphonse, matelot de 3ème classe, 20 ans à peine révolus, a du être débarqué, malade, blessé peut être, du vaisseau de guerre Masséna vers l'hôpital militaire de Vera Cruz.

Il va mourir, il meurt le 25 avril 1862, nous ne saurons jamais de quoi, dans ce pays où règne le chaos.

Les archives nous disent que "par suite de maladies dont ce pays (est) infesté et de fréquentes actions de guerre dont il (est) le théâtre l'acte de décés ... n'a pu être dressé ..."

La famille du jeune Bonnot, lassée d'attendre cet acte officiel, se lance dans des démarches pénibles pour obtenir "les pièces probantes" : extrait des registres de décés de l'hôpital de Vera Cruz, extrait du rôle de l'équipage du Masséna et de la "matricule des gens de mer".

Elle fait, en 1865, une intervention auprès du parquet de Narbonne.

Un jugement du 28 juin permet enfin d'inscrire le décés d'Alphonse Bonnot sur le registre d'Etat Civil de la commune.

Cette même année 1865, Clément Gimié, de Gruissan, Capitaine au Llong Cours, conduit le tois mât "la Marie" jusqu'à Tahïti dans les Antille.

Clément est instruit, dans la force de la jeunesse : 29 ans.

Il parcourt allègrement le monde, avec un autre Gruissanais Auguste Bonnot qui lui sert de second.

Mais que vont ils faire de cette île?

La partie francophone de l'ancienne Hispaniola est française depuis 1697.

L'abolition de l'esclavage a débouché en 1791, sur une sanglante révolte des noirs.

L'armée de Leclerc anéantie par des épidémies a dû se retirer.

Haïti devient en 1804 indépendante sous les dictatures et dans l'anarchie.

Mais une aristocratie de mulâtres s'est enrichie grâce à la canne à sucre et au négoce.

A cause de la communauté de la langue, les français y commercent volontiers.

A Maraguane, Mr David fils est le consignataire du bateau de Gimié.

Il répartit les marchandises de France selon les commandes, s'occupe du frêt de retour et de toutes les démarches administratives.

Mais, ce triste matin de janvier 1865, "un soixante deuxième de l'indépendance de Haïti", ni le fils David, ni Bonnot, ni Gimié ne sont à bord.

Clément Gimié agonise à l'hôpital de Port-au-Prince.

Les deux autres l'assistent et seront témoins de sa mort, à deux heures de l'aprés-midi.

Pauvre jeune homme plein d'avenir, pauvres parents qui l'attendent au village !

Le Consul établit l'acte de décés le 6 mars 1865.

Le Ministère des Affaires Etrangères, à Paris, le signe le 6 avril.

Le 6 mai, enfin, l'acte est transmit à l'Etat civil de Gruissan.

On voudrait mieux connaître ces deux jeunes marins, lire leurs lettres, savoir comment ils racontaient leurs voyages, de quoi ils sont morts.

Leur triste odyssée nous fait voyager à travers l'histoire et la géographie mondiales.

Cf : gruissan d'Autrefois n°48 - M. R. Taussac
F. G